Elle errait, ne trouvant pas le bouton marche/arrêt elle était dans la vie à demi. Pas du tout ancrée.
Aucune racine à planter. Un corps vide, une âme non incarnée.
En quête de réalité elle jetait son corps dans le lit des inconnus, elle les amenait chez elle, se racontant avec fierté qu'une femme libre et indépendante elle était, elle pouvait passer la nuit avec un mec et le lendemain le laisser, tout en étant indifférente, mais sur ce point là elle savait bien qu'elle se leurrait.
Le désir non avoué était d'être juste touchée, regardée.
Elle, elle buvait beaucoup pour mieux oublier et ne pas voir l'homme qu'elle a avait choisi. Toujours le plus distant, le plus indifférent, le plus propice à s'en aller, à la laisser, sans le moindre regret.
De cette façon elle se protégeait.
L'amour et la tendresse qu'elle associait au danger n'avaient aucun risque d'arriver.
Elle n'était ni attirée, ni excitée. Elle était contente. Fière d'elle, elle l'avait choisi, gagné et ramené.
Et après ? Elle se sentait obligée d'y passer, alors elle buvait, elle fumait.
Le désir non avoué était d'être juste touchée, regardée.
Si le mental s'était barré, et que l'intérieur d'elle avait parlé, ça aurait donné :
Juste une main.
J'aimerai être touchée, que tu me prenne la main, et que tu me regarde, en silence.
Me sentir exister, ne plus être seule coincée dans l'espace à regarder mon corps s'abandonner.
Juste une main s'il te plaît.
Une main qui touche la mienne pour commencer. Qui vient m'effleurer...
Et là le corps en éveil je sentirai pour la première fois mes pieds, je serai rassemblée.
Juste une main, je t'en supplie, dis moi que je suis en vie.
Puis tu la mettra sur ma joue, et je respirerai.
Je te choisi car tu es un homme aimant, tu viens à moi, et il n'y a pas de danger.
Aimer ce n'est pas envahir et détruire. Aimer c'est doux et délicat.
Aimer c'est la vie, aimer c'est ce qui permet d'exister, de respirer.
C'est laisser l'autre nous regarder.
Délivre moi de l'errance flottante où je suis coincée, juste là maintenant arrête toi et touche ma main, sors moi de là, fais moi revenir en moi.
Touche ma main et je serai là.
Elle ignorait l'existence de tout cela, avec l'homme chez elle, ne sachant que faire elle optait pour ce qu'elle pensait qu'il attendait, pour la seule chose qu'elle pouvait offrir, elle écartait les jambes et souriait, faisait du bruit pour lui faire plaisir, qu'il soit satisfait avant de s'en aller.
Qu'il l'apprécie, faute de l'aimer.
Mais dans ce moment de partage physique avec l'homme elle avait... ressenti...!
Après son départ le ressenti ne devait perdurer car elle ne savait que faire de ça, d'où ça vient, pourquoi c'est là ?
Les sensations physiques, et les agréables émotions.
Ignorant que le contact physique les avaient provoquées et dans le désir de les étouffer, son corps revenait à l'assaut de l'homme, le garder encore un peu, donc à nouveau elle lui offrait ce qu'elle savait faire de mieux, à nouveau son corps elle balançait pour une miette d'incarnation, de sensations, qu'aussitôt elle refoulait.
Elle tournait en rond.
Son âme et son corps hurlaient fort un désir d'incarnation, ressentir, vivre. Exister !
Sa tête criait la protection, tout fermer, ne pas respirer, ne surtout pas... exister.
Basculant entre les deux, elle faisait tout à moitié : elle obéissait à la tête en fumant et buvant pour tout fermer, puis ça fuitait et le corps reprenait le pouvoir en se laissant aller à recevoir, la tête désireuse de contrôler choisissait des hommes non à même de l'aimer, propice à l'abandonner.
Elle, secouée entre ce qui était deux polarités opposées, espérait juste que tout s'arrête.
Mourir et enfin se reposer.
... ou alors... se réveiller ?
Lise Billon
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Ce texte est une fiction, inspirée d'observations et de projections.
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